C'est des jeux grands, dis !
"Quand l'enfant s'amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d'un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite a mesure qu'il s'exerce davantage. La reconstitution était d'ailleurs instantanée, l'enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boite au sortir du magasin. L'opération n'exige donc pas un temps détermine, et même, théoriquement, elle n'exige aucun temps. C'est que le résultat en est donne. C'est que l'image est créée déjà et que, pour l'obtenir, il suffit d'un travail de recomposition et de réarrangement, - travail qu'on peut supposer allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d'être instantané. Mais, pour l'artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n'est plus un accessoire. Ce n'est pas un intervalle qu'on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail. La contracter ou la dilater serait modifié à la fois l'évolution psychologique qui la remplit et l'invention qui en est le terme. Le temps d'invention ne fait qu'un ici avec l'invention même. C'est le progrès d'une pensée qui change au fur et à mesure qu'elle prend corps. Enfin c'est un processus vital, quelque chose comme la maturation d'une idée. Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d'une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi a l'artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l'oeuvre d'art. Et c'est ce rien qui prend du temps."
H. Bergson, Evolution créatrice
C'est
comme grandir; le temps qu'il faut pour cela n'est pas délimité par des règles
strictes. On ne sait pas, ce qu'on deviendra ; on ne peux pas, le prévoir;
seules des suppositions peuvent exister. Nous ne sommes pas condamnés à devenir
des poupées parfaites, des grandes œuvres. Toujours des détails, des
particules, feront de nous des êtres imparfaits.
Tentons de
nous approcher de la bonté ; pas du bien, non ! Le bien, c'est un soldat qui
passe devant un enfant qui crie famine, et lui donne à boire ; la bonté, c'est
le soldat qui prend l'enfant sur son dos, lui raconte une histoire jusqu'à son
camp de rattachement.